Le Shingon utilise la nature comme symbole pour expliquer le monde spirituel invisible considérant que la vie des êtres et de la nature est l'expression du Bouddha conçu dans son aspect Dharmakaya, la force de vie de l'univers. Cependant, le shingon n'est pas un panthéisme, il ne se réduit pas au culte des forces de la nature comme dans le shintoïsme. Quand on parle par exemple des cinq éléments ou du soleil, il s'agit d'états de conscience qui sont décrits ainsi.
Dans le Shingon, le Bouddha ultime symbolisant l'univers est appelé «Daïnitchi-Nyoraï» Maha Vairocana, le Bouddha grand soleil, car la lumière du soleil symbolise au mieux l'état de la conscience purifiée qui perçoit la vacuité. La lumière blanche est la synthèse et la source de toutes les autres couleurs. C'est pourquoi il existe un Bouddha ultime qui rassemble toutes les qualités des autres bouddhas et Bodhisattvas, qui sont l'expression de ses différents aspects.
Il s'agit donc de faire fusionner son esprit avec «Daïnitchi-Nyoraï» par la pratique des trois mystères, qui sont le mystère du corps, de la parole, et de la pensée, c'est-à-dire effectuer simultanément un geste symbolique avec les mains, un mûdra, répéter un mantra et visualiser devant soi la forme de la divinité bouddhique en rapport.
Comme l'univers est très vaste, nous avons à développer diverses qualités de conscience pour nous y intégrer harmonieusement, elles sont les étapes qui amènent à l'éveil spirituel, samadhi. Ce processus d'éveil a été structuré sous la forme d'un diagramme mystique appelé mandala, comportant différents quartiers avec de nombreux bouddhas.
Un mandala est une carte d'anatomie spirituelle de l'homme expliquant comment pénétrer à l'intérieur de ses centres d'énergie (chakra). La méditation sur sa forme en répétant les mantras et effectuant les mûdra permet de se connecter avec le cœur des bouddhas et du maître qui a initié le pratiquant. Les deux grands mandala du Shingon, le Kongôkaï et le Taïzôkaï, regroupent ainsi de nombreuses divinités bouddhiques symbolisant différents niveaux de conscience. Disposées en plusieurs quartiers, expriment la compassion, douceur, d'autres l'intelligence, le discernement, d'autres encore l'énergie, la force pour vaincre tous les aspects négatifs du subconscient.
La voie qui mène à l'éveil spirituel est donc celle du développement de toutes nos potentialités, qui peuvent se regrouper en deux mondes, se complétant et s'enrichissant mutuellement. Le monde des idées, Kongôkaï (plan du vajra) et le monde de la sensibilité, Taïzôkaï (plan de la matrice).
Afin de comprendre ce qu'il perçoit du monde, l'homme doit l'analyser et élaborer des concepts avec discernement. C'est pourquoi on symbolise par le vajra, le diamant qui coupe, le principe masculin de sagesse.
Cependant pour comprendre vraiment quelque chose il faut aussi le percevoir dans sa totalité au-delà des détails, sinon la théorie inventée pour l'expliquer peut être réductrice et fausse. Il faut donc augmenter la sensibilité et le volume des perceptions, en faisant abstraction de ses a priori ou de ses théories antérieures, c'est-à-dire développer une ouverture intérieure vis à vis de l'autre, vis-à-vis de la vie, qui n'est possible que si le cœur est humble, doux, sans préjugé, compatissant, c'est le cœur de bodhi. Plus la compassion est grande, plus les perceptions deviennent fines, directes, immédiates, car on perçoit l'autre par fusion globalisante du cœur. Ce n'est pas par un raisonnement que la connaissance est obtenue, mais par l'intuition, c'est pourquoi on l'identifie au monde féminin de la matrice, le Taïzôkaï qui décrit la diversité de la vie, correspond aux cinq éléments : la terre, l'eau, le feu, l'air, l'éther. Le monde du Kongôkaï est le 6e élément, la conscience.
Développer et unir en soi ces deux mondes, deux polarités latentes en chacun de nous, féminine et masculine, intuitive et réflexive, active et méditative, c'est trouver l'équilibre intérieur. Pour atteindre l'éveil, il faut faire fusionner ces deux principes en soi.
C'est au cours de cérémonies d'onctions appelées «kanjô», que le maître l'acariya consacre l'eau pour transmettre directement l'essence de la connaissance et de la compassion du Kongôkaï et du Taïzôkaï. Transmission qui se fait de cœur à cœur.
Matsumoto Jitsudo : «La joie fait venir le bonheur, le mécontentement et l'insatisfaction le font fuir. Un coeur joyeux permet de créer autour de soi toujours plus de lumière et de renouveau».