Les trois Refuges Les Refuges représentent les points focaux de la pratique de tout bouddhiste. Ce sont des lieux sûrs dans un monde d’insécurité, des endroits élevés d’où l’on voit tout, dans un monde qui rampe au ras du sol. Ils ne constituent en aucune façon une coquille dans laquelle on pourrait s’enfermer, une espèce de blindage qui nous « protégerait » du monde. Ce sont, tout au contraire, des incitations à se plonger encore plus au coeur du monde, à s’engager avec détermination dans l’action vis-à-vis du monde (extérieur et intérieur).
Ces Refuges impliquent avant tout une démarche personnelle, devant soi-même, même s’il est traditionnel d’effectuer cet engagement auprès d’un moine, d’une nonne, ou d’une assemblée de pratiquants. Ils sont à considérer selon deux aspects complémentaires ; un aspect extérieur, respectivement : le Bouddha, en tant qu’être totalement éveillé, le Dhamma, en tant qu’ensemble des enseignements transmis, la Sangha, en tant qu’ensemble des êtres réalisés au cours des siècles ; un aspect intérieur exemplifiant les qualités, les vertus incarnées par les Refuges extérieurs.
Ils sont récités comme suit :
1. buddhaμ saranaμ gacchæ mi (Je prends refuge dans l’Éveil suprême).
2. dhammaμ saranaμ gacchæ mi (Je prends refuge dans l’Ordre des choses, le Réel).
3. sanghaμ saranaμ gacchæ mi (Je prends refuge dans la compagnie du Bien et du Beau, l’Excellence).
dutiyampi buddhaμ ... (Une deuxième fois)
dutiyampi dhammaμ ... (Une deuxième fois)
dutiyampi sanghaμ ... (Une deuxième fois)
tatiyampi buddhaμ ... (Une troisième fois)
tatiyampi dhammaμ ... (Une troisième fois)
tatiyampi sanghaμ ... (Une troisième fois)
Il est à remarquer que l’on répète les Refuges trois fois, cela afin de s’assurer d’une véritable présence et conscience pendant au moins l’une des récitations. Il est en effet impérieux que le texte récité (d’abord en pali puis dans sa traduction en langue vernaculaire), avec toutes ses implications, soit parfaitement compris ; d’une part pour exemplifier le fondement essentiel de l’Enseignement du Bouddha qui est la culture de la vigilance et d’autre part pour éviter l’attitude qui consisterait à croire que ces « formules » agissent automatiquement et indépendamment. « Prendre refuge » ne revêt aucun caractère magique, nous ne prenons pas refuge dans une entité extérieure à nous-même qui serait censée nous combler de bienfaits. Néanmoins, s’en tenir exclusivement à l’interprétation immédiate, au premier degré, des Refuges (le Bouddha, l’Enseignement, la Communauté des Disciples) c’est prendre refuge dans ce qui est non permanent, c’est prendre le poteau indicateur pour le chemin, la carte pour le territoire, « le doigt pour la lune ». Les trois Refuges font référence à des réalités transcendantes et non à des concepts d’ordre mondain.
Les préceptes
Ce sont des règles de conduite de base recommandées par le Bouddha à ses disciples. Ces préceptes concernent les actions volontaires et consciemment acceptées et non celles qui se produisent par inadvertance. Ce ne sont pas des interdits édictés par une autorité quelconque, humaine ou divine, mais des règles de conduite observées parce que l’on possède un minimum de sagesse, de « conception correcte » en général.
Les préceptes sont classifiés en :
–Les cinq préceptes, observance de base de tout bouddhiste laïc. Ils appartiennent à la vie de famille ordinaire et témoignent, avec les trois Refuges, de l’engagement dans la Voie bouddhique.
1. je m’efforcerai d’observer le précepte de m’abstenir de léser toute vie.
2. je m’efforcerai d’observer le précepte de m’abstenir de m’approprier ce qui n’a pas été offert.
3. je m’efforcerai d’observer le précepte de m’abstenir d’excès dans les plaisirs des sens, de rechercher les expériences sensuelles agréables.
4. je m’efforcerai d’observer le précepte de m’abstenir de paroles fausses ou inconsidérées.
5. je m’efforcerai d’observer le précepte de m’abstenir de toute substance troublant la vigilance et la claire conscience).
–Les huit préceptes observés par les bouddhistes laïcs en des occasions particulières (les jours d’uposatha ou les retraites) et par les anagæ rika. Ils impliquent un renoncement plus important que les cinq préceptes de base. Dans ces derniers, le numéro 3 devient je m’efforcerai d’observer la règle de m’abstenir de toute activité sexuelle, puis on ajoute :
6. je m’efforcerai d’observer la règle de m’abstenir de manger après le passage du soleil au zénith
7. je m’efforcerai d’observer la règle de m’abstenir de danser et de chanter, d’écouter ou de jouer de la musique, d’aller au spectacle, de mettre des parfums ou des ornements,
8. je m’efforcerai d’observer la règle de m’abstenir de trop dormir
–Les dix préceptes, fondements de la vie de renoncement, plus élaborée dans le Vinaya, observés par les novices et les nonnes. À partir des huit préceptes, la règle 7 se scinde en deux (7 et 8), la 8 devient la 9 et l’on ajoute :
10. je m’efforcerai d’observer la règle de m’abstenir d’accepter de l’argent.
Dans ces préceptes chaque mot est important. L’Enseignement du Bouddha demeure constamment pragmatique et praticable, c’est la raison pour laquelle les préceptes ne sont pas des impératifs catégoriques et ne comportent aucune promesse de ne pas accomplir telle ou telle action, promesse irréaliste et psychologiquement dangereuse. En tant que pratiquant bouddhiste on s’engage à développer l’effort d’observer une règle consistant à s’abstenir de telle ou telle action néfaste, non habile, ce qui est fondamentalement différent.
Dans les textes traditionnels le Bouddha loue fréquemment l’observance de ces cinq règles de base, déclarant qu’elles constituent le minimum pour que l’on puisse être qualifié d’être humain. Elles sont indispensables pour bénéficier d’une vie sociale harmonieuse fondée sur la confiance mutuelle, le don de l’absence de peur, et non sur la crainte perpétuelle de l’autre, offrant ainsi un espace de liberté au sein duquel chacun a la possibilité de développer ses potentialités.
Les trois piliers de la pratique
La totalité des enseignements du Bouddha peuvent se classer selon ces trois subdivisions : don, conduite éthique, développement mental. Bien que souvent considérés comme trois niveaux successifs de pratique ce sont en fait des éléments interdépendants constituant les soutiens permanents de toute discipline bouddhique équilibrée. D’une certaine manière, plus didactique, il est vrai que le don et la conduite éthique (en tant que conduite prescrite) font office de prérequis au développement mental ; ce sont également (en tant que conduite naturelle, issue de la sagesse) les fruits d’une culture de l’esprit bien dirigée.
La générosité, le don (volontaire et spontané), exemplifient le tout premier aspect de la pratique bouddhique, celui qui est immédiatement perceptible dans les pays largement influencés par l’Enseignement du Bouddha. Ce terme est souvent employé pour désigner une offrande, spécialement de nourriture, à la Communauté monastique.
Il en existe deux sortes :
1. offrande matérielle
2. offrande de l’Enseignement (considéré comme le plus grand de tous les dons dans le bouddhisme).
Dans l’Enseignement du Bouddha le don n’est pas une simple pratique extérieure, en soi non signifiante, mais une attitude intérieure (avant tout volition) destinée à briser la tendance naturelle à l’appropriation.
Les préceptes d’éthique, le code de conduite vertueuse. C’est ce qui met des limites aux exubérances, aux débordements de l’ego. Dans un sens plus large, inclut toutes les actions corporelles ou verbales, qualifiées de positives ou négatives, suscitant plus ou moins de perturbations dans l’esprit.
Développement mental Ce terme désigne d’abord l’action de faire naître, faire apparaître ce qui est caché, non révélé. Il ne s’agit donc pas de construire à partir du néant mais simplement de permettre à des qualités mentales existant potentiellement dans l’esprit de se manifester. Le terme «méditation» bien que largement usité, demeure insatisfaisant, pour désigner le processus bouddhique de développement mental, de maturation dynamique de la connaissance transcendante en son propre esprit.
Le «Sentier de la Purification», répertorie les «techniques» classiques de méditation, au nombre de quarante :
– les dix «artifices» : terre, eau, feu, air, bleu, jaune, rouge, blanc, espace, conscience. Ils contribuent à l’acquisition du calme mental et renforcent la stabilité de l’esprit.
– les dix considérations sur la non-permanence du corps, sur le non attirant : par la contemplation des divers états d’un cadavre cet exercice (peu praticable de nos jours !) combat les désirs sensuels.
– les dix remémorations : des qualités du Bouddha, des qualités du Dhamma, des qualités de la Sangha, de la conduite éthique (en soi-même), du don (en soi-même), des déités (en référence à sa propre vertu), de la mort, du corps (en ses trente-deux constituants), de la respiration, du calme
– les quatre demeures sublimes : amour bienveillant, compassion agissante, sympathie pour la joie des autres, équanimité.
– les quatre sphères immatérielles ou « demeures sans forme » : l’espace illimité, la conscience illimitée, la sphère où rien n’est, la sphère où il n’est ni perception ni non-perception.
– l’appréhension du caractère non attirant, non permanent de la nourriture
– l’analyse des quatre Éléments : terre, eau, feu, air. Leur combinaison constituant le corps, cette méditation permet de ne plus considérer le corps, et ensuite l’esprit, comme « mien » et « moi ».
Parmi toutes ces techniques, d’importance et de portée variables, et dont certaines ne sont à utiliser que dans des circonstances bien spécifiques et pour des types caractérologiques bien particuliers, la prépondérance est accordée à la vigilance portée à la respiration, ou remémoration appliquée au va-et-vient de la respiration. C’est un outil consistant en un premier temps à rassembler l’esprit et apaiser les facteurs mentaux en portant l’attention sur l’inspiration et/ou l’expiration, ou sur la respiration en général. Cet outil fait partie des bases de l’établissement de l’attention, comprenant :
1. l’observation du corps Méditation se rapportant au corps, le considérant comme simple moyen par lequel les appellations « homme, animal, il, elle, je » peuvent être utilisées, mais dans lequel n’existe aucune entité immuable méritant l’une de ces appellations.
2. l’observation des sensations Méditation se rapportant aux sensations et les considérant comme la réaction automatique du corps ; par conséquent on ne doit s’attacher à aucune d’entre elles comme étant « homme, animal, il, elle ou je ».
3. l’observation de l’esprit, du « mental-coeur » Méditation se rapportant aux diverses impressions mentales comme simples résultats des stimulus extérieurs. Ainsi n’y-a-t-il rien de substantiel qui puisse de façon égocentrique être appelé ou considéré comme « homme, animal, il, elle ou je ».
4. l’observation des objets mentaux, des phénomènes. Méditation se rapportant aux conceptions ou pensées, et aux stimulus extérieurs (objets des sens) ou phénomènes, ne pouvant jamais être nommés « homme, animal, il, elle ou je ».
Les pratiques complémentaires
La pratique de prévenir l’installation des conditions négatives (exemplifiée par l’observance des préceptes) doit s’équilibrer par la pratique de développer les conditions bénéfiques. Dans cette optique tout bouddhiste est censé faire croître dans son esprit ce qu’on appelle les «quatre demeures divines» ou «états d’esprit sublimes» et les concrétiser dans sa vie quotidienne, évitant ainsi de sombrer dans une attitude égocentrique de « profit » spirituel.
Ce sont respectivement :
1. mettæ
– Bonne volonté, bienveillance.
– Sens de la gratitude, patience, sans esprit de blâme.
– Faculté de faire la paix avec toutes les conditions, positives et négatives. Laisser vivre et évoluer ce qui existe.
2. muditæ
– Joie au bien-être d’autrui (par opposition à la jalousie).
– Joie sympathique, appréciation de la beauté, de la bonté et de la Vérité.
3. karunæ
Compassion, empathie, volonté d’agir pour le bien d’autrui. Elle n’implique ni connotation sentimentale ni passivité.
4. upekkhæ
– Équanimité, sérénité, équilibre émotionnel, non-différence (et non pas indifférence).
– Amour sans considération de sujet ou d’objet.
– Attitude mentale inébranlable devant les huit conditions mondaines
– Autres sens possibles : neutralité (dans les trois sortes de sensations), observation détachée des
phénomènes (dans les éléments de l’Éveil).
Dans un souci de cohérence entre la recherche de la sagesse et la pratique de la compassion, et d’harmonie entre développement intellectuel et émotionnel, tout bouddhiste est également invité à cultiver ce que l’on nomme « allé au-delà ». Ces qualités ou vertus transcendantes, ou maîtrises, traditionnellement au nombre de dix, sont tout spécialement recommandées par le Bouddha pour ceux qui aspirent à l’Éveil :
1. don
2. conduite éthique
3. renoncement (à l’esclavage des plaisirs sensuels)
4. connaissance transcendante
5. effort bien orienté, énergie
6. patience, endurance
7. véracité
8. résolution, détermination vers le but
9. bienveillance
10. équanimité.
Vivre et laisser vivre
« Inhalez l’univers tout entier,
accueillez toutes choses.
Exhalez l’univers tout entier,
abandonnez votre emprise sur toutes choses. »
(Ajahn Viradhammo)
« Le sage ne s’accroche à rien comme lui appartenant,
et ne rejette rien comme ne lui appartenant pas. »
(Sutta Nipæ ta)
Une part importante de la pratique de l’Enseignement du Bouddha est la recherche constante de l’équilibre en résolvant les paradoxes et en particulier celui d’attachement et non-attachement. Le Bouddha reconnaît la réalité et la puissance de l’amour mondain. Néanmoins lorsqu’il est fait référence à l’amour dans l’enseignement bouddhique, il s’agit d’un sentiment (ou d’une qualité mentale) qui transcende tout aspect mondain.
« Tout le monde tremble devant la violence, tout le monde a peur de la mort.
Comparant les autres avec soi-même, on ne doit jamais tuer ou être cause de mort. »
Ce verset (n°129), extrait du Dhammapada, exemplifie l’attitude fondamentale que l’on doit cultiver lorsque l’on se prétend dans la Voie du Bouddha. L’une des pratiques de base dans le bouddhisme ancien étant le développement de la bienveillance. Bien que l’on puisse suivre cette Voie depuis de nombreuses années, c’est une pratique chaque jour renouvelée permettant de reconnaître puis juguler la tendance naturelle aux diverses formes de convoitise ou de rejet surgissant dans le mental en réaction au monde des sens, la tendance naturelle à penser que le monde doit fonctionner selon nos désirs et que nous en sommes le centre.
Le maître mot de cette pratique est « vivre et laisser vivre ». À proprement parler, dans l’Enseignement du Bouddha, on ne fait pas référence à un concept de « vie » dans un sens collectif, on considère qu’il n’y a que des êtres vivants, des organismes individuels. Et la vie qui les anime n’est pas divine ou octroyée par un être divin quelconque, elle est simplement le résultat du kamma (action consciente) passé, actualisé par la convoitise. Par conséquent l’attitude bouddhiste n’est pas fondée sur le respect mais sur la compassion ; l’expression « respect de la vie » ne se trouve en effet pas dans le bouddhisme, on rencontre par contre, de façon récurrente et dans toutes les diverses écoles, la notion de compassion pour les êtres vivants.
Le premier précepte, liant tout bouddhiste, est exprimé de la façon suivante : « Je m’efforcerai d’observer le précepte de m’abstenir de léser tout être vivant. ». Cette injonction commence bien entendu par les aspects les plus grossiers, s’efforcer de ne pas détruire des êtres vivants ou les utiliser à son propre profit, mais la discipline dans cette tradition consiste également en des aspects plus subtils. Le précepte enjoint, dans une acception large, de s’efforcer à ne pas entraver l’élan vital de tout ce qui existe. Cela va beaucoup plus loin que l’impératif catégorique classique du christianisme « Tu ne tueras point. », et possède un vaste impact psychologique en incluant également les phénomènes mentaux.
Dans la stratégie bouddhique il est fortement déconseillé de réprimer ce qui surgit dans l’esprit, que ce soit au cours de la vie quotidienne ou dans la pratique de la méditation : émotions, pensées, sensations, souffrance, bien-être, etc. Tout ce qui vit naît, se développe et disparaît en fonction de causes et de conditions et nul, en usant de violence, ne peut faire en sorte que ces causes et ces conditions ne portent pas leurs fruits ; seules la compassion et la patience peuvent nous permettre de prendre l’espace mental suffisant afin d’agir avec sagesse en toutes situations, au lieu de nous ruer sur l’obstacle, emporté par le désir impérieux de « tout changer ». Tout s’acheminant inéluctablement vers le déclin, il est donc parfaitement inutile, voire néfaste, de vouloir précipiter le phénomène.
Nourrir la pratique
Pour un bouddhiste tout est nourriture, dans le sens de ce qui permet d’exister. Aucune de ces différentes nourritures ne possède plus d’importance ou de noblesse que l’autre, chacune étant nécessaire au fonctionnement harmonieux de l’ensemble corps/esprit humain, si précieux pour la réalisation de la Vérité ultime.
Les laïcs
Dans le bouddhisme ancien il n’existe pour les laïcs aucune prescription particulière en ce qui concerne l’alimentation. Le laïc se comportera vis-à-vis des aliments qu’il absorbe comme vis-à-vis de toutes choses, considérées comme objets susceptibles de créer l’attachement générateur de souffrance. En ce sens la pratique d’un bouddhiste sérieux ne sera pas foncièrement différente de celle d’un moine, la séparation n’étant pas si grande que certains voudraient le faire croire, ce sont simplement les conditions environnementales qui changent. Tout laïc étant censé observer les préceptes de base (au nombre de cinq), en particulier le premier enjoignant de ne pas léser les êtres vivants, il lui appartient, et à lui seul, de prendre les décisions relevant par exemple de sa consommation ou non de produits carnés, en contemplant de façon réaliste l’étendue de sa responsabilité en fonction de ses actions intentionnelles (volontaires et conscientes).
Les moines
La nourriture fait partie des quatre besoins essentiels du moine (les autres étant les vêtements, le logement et les remèdes) et à ce titre doit être acquise de façon harmonieuse, non violente, sans ostentation, et en étroite dépendance avec la communauté des laïcs. C’est pour cela que la nourriture est offerte au moine, qu’il doit la consommer avec gratitude et la considérer avec pragmatisme. De nombreux points de son Code de discipline régissent ce domaine. Avant le repas le moine récite une réflexion sur ce qu’il s’apprête à prendre ; ce texte peut également constituer une saine base de contemplation pour tout bouddhiste :
« Nous utilisons la nourriture offerte en la considérant de façon correcte : non pas pour s’amuser, ni pour se gaver, ni pour s’engraisser ou pour la beauté du corps ; mais seulement pour entretenir le corps et le conserver en bonne santé nécessaire à la vie pure, pensant : nous allons ainsi détruire la sensation précédente de faim sans produire une nouvelle sensation due à trop de nourriture. Nous serons ainsi libres de toute maladie du corps et vivrons sans inconfort. »
Le moine mange en silence, dans la vigilance analytique, en s’appliquant à contempler sa nourriture selon les divers aspects qui y sont liés, dans un véritable esprit de méditation : la connaissance des ingrédients de sa nourriture, de la véritable nature non attirante et non permanente de sa nourriture, du non-attachement à sa nourriture.
Diverses règles sont à observer pour celui « qui a quitté la vie du foyer », en particulier il ne lui est pas permis de manger après le passage du soleil au zénith. Néanmoins, toujours dans un souci de réalisme et d’évitement de vaines austérités, en dehors de la période prescrite pour prendre le repas quotidien, le Bouddha a autorisé dans le Code de discipline monastique ancien la consommation de certains aliments reconstituants pour les moines malades et pour ceux qui éprouveraient de la fatigue ou de l’inconfort liés, par exemple, à un travail physique intensif. Ces aliments (considérés comme des remèdes à l’époque du Bouddha) étaient : le beurre clarifié, le beurre frais, l’huile de Tila (sésame), le miel, la mélasse. Ces produits sont généralement remplacés de nos jours par le fromage ou le chocolat ! Les diverses spécifications concernant les aliments et les remèdes (les deux se confondant parfois) autorisés sont décrites dans le sixième chapitre du Mahæ vagga, l’une des divisions du Livre de la Discipline.
Certaines règles particulières ont été édictées par le Bouddha à l’attention des moines désirant pratiquer plus intensément ; elles ne présentent cependant aucun caractère obligatoire. Toutes les règles relatives à l’alimentation, volontairement observées, n’ont pour but que de cultiver la modération et le contentement vis-à-vis de la nourriture offerte, seule attitude correcte pour tous ceux qui se sont engagés dans la voie monastique instaurée par le Bouddha.